Création 2019

Texte, mise en scène et jeu Jacques Descorde.
Depuis son accident du travail, un homme, soudeur de métier, reçoit de temps à autre, dans sa chambre d’hôpital, la visite de sa chanteuse préférée : Nana Mouskouri. Entre deux chansons qu’elle lui chante allègrement, il parle de sa vie, de son travail, du service public, du cosmos, de ses envies d’ailleurs et de sa relation frictionnelle avec son fils. Il en rajoute même parfois en se proclamant pour elle grand avocat et général des armées devant l’éternel pour dénoncer l’indifférence des gens et le monde qui fout le camp. Mais bientôt quelque chose cloche. La chanteuse est désormais omniprésente et lui chante en boucle et de plus en plus fort sa chanson : « Quand je chante avec toi Liberté ». Alors, à l’enchantement des premiers échanges succède l’inquiétude. À l’inquiétude succède l’ennui. À l’ennui s’invite la colère.
« Quand elle vient et qu’je la sens tout près d’moi ma p’tite femme hé ben ça chante oui ça chante là dans ma tête ça chante quand elle est là elle me parle en chansons elle met des chansons dans ma tête des chansons de Nana Nana Mouskouri que des chansons de Nana Mouskouri elle sait bien c’que j’aime ma p’tite femme alors la grande Nana comme ça rien qu’pour moi c’est l’paradis gratis surtout qu’au début au début quand elle est partie ma p’tite femme de l’aut’côté ç’a pas été simple ça crie beaucoup là-d’dans elle crie sans arrêt des grands cris d’femme perdue qui agitent toutes mes nuits de longues nuits blanches à m’faire marcher les deux pieds dans l’vide la cervelle à ciel ouvert des grandes nuits d’colère à étrangler la terre entière tellement tellement elle m’fait d’la tempête là-d’dans… ».
«…En s’inspirant librement de la parole de son père, ou plus exactement et parce c’était un taiseux », de son énergie « et de sa très souvent mauvaise humeur », Jacques Descorde dit le monde déboussolé et les changements sociaux qui ont désintégré le monde ouvrier, sapé ses espoirs politiques et défait les liens qui en faisait une classe qui n’avaient peut-être pas les mots, mais qui avait alors un nom ! » CR – Journal La terrasse.
Les Dates :
-Du 15 au 19 janvier 2019 au théâtre des Ilets – Centre dramatique national de Montluçon. -Les 6/7 février 2019 au théâtre de l’Oiseau Mouche à Roubaix. -Le 5 octobre 2019 au Château d’Hardelot. -Le 29 février 2020 au théâtre de Montreuil sur mer. -Du 3 au 26 juillet 2021 à la Factory – Festival d’Avignon Off.
La Presse
Journal La terrasse Publié le 6 juin 2021 – N° 290
Pourquoi fait-on du théâtre lorsque rien n’y prédispose socialement ? Jacques Descorde tente de répondre à cette question en s’inspirant des silences de son père et de l’effacement des ouvriers.
« Cette question est le point de départ de mon texte : qu’est-ce qui fait qu’aujourd’hui je sois auteur et metteur en scène de théâtre alors que mon père a été toute sa vie ouvrier spécialisé et ma mère femme de ménage et qu’à la maison il n’y avait pas de livre et qu’on ne s’intéressait pas vraiment au cinéma, à la musique, à l’art en général et encore moins au théâtre ? » dit Jacques Descorde. Pour y répondre, il invente un homme, ancien soudeur, qui soliloque dans sa chambre d’hôpital avec Nana Mouskouri, sa chanteuse préférée, le fantôme de sa « petite femme » ou celui du médecin aux allures de pélican hautain et aux soupirs empreints de mépris de classe.
Les mots pour le dire.
Il évoque son serin jaune, ses mots fléchés, sa vie, son travail… Et faut que ça sorte, faut que ça gueule, comme il le faisait avant, au volant, dans sa baignoire ou contre un oreiller pour ne pas gêner les voisins et éviter de gueuler sur son môme… Parce qu’il « y a des moments où il faut dire pour pas tomber malade » ! En s’inspirant librement de la parole de son père, ou « plus exactement et parce c’était un taiseux », de son énergie « et de sa très souvent mauvaise humeur », Jacques Descorde dit le monde déboussolé et les changements sociaux qui ont désintégré le monde ouvrier, sapé ses espoirs politiques et défait les liens qui en faisait une classe qui n’avaient peut-être pas les mots, mais qui avait alors un nom…
Catherine Robert
