Le mouchoir de Jacques Descorde
3 personnages : La fille : 10 ans – La mère : 40 ans – L’homme : 40 ans.
EDITIONS L’ECOLE DES LOISIRS.
Une petite fille de dix ans vit avec sa mère malheureuse depuis que le père les a quittées. Un jour de grand vent, son mouchoir s’envole. Pas n’importe quel mouchoir, mais celui que son père lui a donné. La mère, exaltée, se persuade qu’il suffit de le suivre pour retrouver son propriétaire. Et les voici parties toutes les deux dans une recherche folle. Pendant ce temps, un homme les cherche, les suit. Quand la fille se retrouve face à lui, il prétend qu’il est son père. Mais est-ce vraiment lui, cet homme qu’elle ne reconnaît pas?
Nuit.
Chambre d’hôtel.
La fille est sur le lit.
On entend en sourdine, de la salle de bain, la voix de la mère au téléphone.
LA FILLE : Depuis qu’on est parti à la recherche de mon père, ma mère a du lui laisser 123642 messages. La nuit, elle se cache dans la salle de bain pour l’appeler encore et encore. Elle commence par lui chuchoter notre journée avec sa voix de jeune mariée et après dix messages elle menace de lui arracher les yeux avec une voix de folle. Ensuite elle finit en pleurs en s’excusant 23643 fois. Sur la photo de mariage accrochée sur le mur du salon on les voit tous les deux comme deux petites poupées endimanchées posées là sur fond de gazon vert et d’arbres en fleurs. Lui, avec son sourire gêné de petit garçon étriqué dans son costume trop neuf et à qui on a noué trop fort le nœud de cravate et elle, avec ses yeux brillants dégoulinant de promesses de bonheurs à venir et son bouquet de la mariée qu’elle étrangle avec ses petites mains blanches. Ca, c’était avant ma naissance.
Elle ressemblerait à quoi cette photo si on la refaisait aujourd’hui ? Deux poupées désarticulées aux visages tordus sur fond de terrain vague ? De champs de ruine ? De maisons en feu ? Moi je sais que je me marierai toute seule un jour de semaine, un jour de rien en robe noire. J’offrirai pour fêter ça du très bon champagne aux clients du bistrot d’en face de la mairie. Et je choisirai parmi eux l’amant de ma nuit de noces et au petit matin, je le quitterai en l’embrassant une dernière fois avec la langue avant de m’embarquer à bord de l’Express côtier. Ce grand navire qui m’emmènera de fjord en fjord vers le cercle arctique tout blanc et ses aurores boréales. Et au milieu du grand blanc, j’y tracerai mon sourire rien que ça et rien d’autre. Ma lune de miel sera une disparition…